jeudi 18 août 2011

Une journée en enfer






C’est un fait établi, une règle unilatérale décidée d’un commun accord avec moi-même : je n’aime PAS les enfants et par conséquent je n’en aurais JAMAIS.

Coup de bol, mon copain fait partie de la même catégorie psychologique de narcissique sociopathe anti-mômes. Ça nous évite un sujet d’engueulade, des dépenses inutiles chez le conseiller conjugal et autres ligatures des trompes en scred.

Et pour les relous patentés ou occasionnels qui s’inquiètent, s’étonnent ou s’insurgent de notre absence de progéniture (parents, collègues de boulot), on a mis au point un sketch imparable : simuler une détresse sans fond en évoquant la stérilité de l’un de nous deux. Regards embués, serrage de main pudique, pleurs étouffés, le grand chelem de la tragédie quoi.

Et si un quidam entêté suggère l’adoption, je peux aller jusqu’à fondre en larmes et raconter par le menu les douze années de liste d’attente et mes allers-retours infructueux à Zagreb, où le petit Slobodan que nous devions recueillir a finalement succombé à une dysenterie foudroyante.

A ce moment du récit, l’ambiance est généralement plombée et je peux tranquillement retourner à mes petits fours, ma coupe de champagne, mon débat sur est ce que oui ou non le dernier woody allen est une grosse daube, etc.

Puis vint le week-end du quinze août. Comme c’est une période relativement pauvre en activités trépidantes et que j’ai le goût du risque, nous avons invité un couple d’amis, heureux propriétaires de deux enfants âgées de 12 et 7 ans.

J’avais pris toutes mes précautions bien sûr : recouvert tous les meubles de bâches plastiques façon dexter, rempli les placards et le frigo de junk food de manière à noyer toute sollicitation pour le jeu ou les câlins par un éventuel coma diabétique.

Je RIGOLE.

Non, pour éviter tous désagréments et une trop grande promiscuité (oui, à six dans un F2, ça fait un peu mauvais pitch de fiction france télévision du lundi) j’ai emmené tout le monde à la campagne, chez mes parents qui ont la chance d’avoir 1) une grande baraque 2) du terrain 3) une piscine.

Ah oui, parce qu’après une demi-heure avec deux gamines surexcitées dans la bagnole (car c’est plus rigolo de faire le trajet dans notre voiture, hein, on peut y aller dis maman, allez on peut, dis hein) tu ressembles un peu à sigourney weaver dans la scène finale d’alien, en micro short et débardeur certes, mais aussi acharnée qu’elle à EXPULSER les intrus du cockpit.

Je constate très vite que la prononciation du seul mot " piscine " me permet d’alterner menaces de noyade et promesses de fraîcheur. Je reste donc en mode binaire jusqu’à l’arrivée et comprends soudain très précisément ce que ressent mon cher et tendre quand nous partons en voyage et que pour détendre l’atmosphère je répète en boucle quandestcequonarrive, quandestcequonarrive, quandestcequonarrive, quandestcequonarrive, QUANDESTCEQUONARRIVE.

C’est pas drôle en fait. 

Ça fait maintenant cinq minutes que la cadette rabâche ça comme un mantra et j’ai juste envie de la défenestrer - images subliminales d’aliens aspirés par le néant intergalactique - embrasement d’extraterrestres au napalm - ma raison vacille.

Dans l’espace, personne ne vous entend crier. Dans la honda non plus.

Pendant ce temps, l’aînée assomme sa sœur à coup de bouteille d’évian mal rebouchée ce qui a pour effet de bien bousiller la sellerie en nubuck de la banquette arrière et d’exaspérer la petite qui se venge en tambourinant sur le siège du conducteur. Au comble de l’effroi, je m’enfonce dans mon siège en psalmodiant le mot piscine.

Nous arrivons enfin. Je suis sourde et imbibée d’évian, et tandis que les démons enfants s’échappent du véhicule comme une nuée de guêpes, nous restons mon copain et moi quelques instants prostrés sur les sièges avant, à la limite de la dépression post-partum.

" C’était quoi, ça ? "

" Un communiqué du comité pour la vasectomie " j’ai envie de répondre.

Mais l’heure n’est plus à la blaguounette (aussi fine soit elle) car j’aperçois dans le rétroviseur les deux gamines déboulant comme des chevaux de l’enfer, les bras chargés de jouets aquatiques, souriantes et hystériques comme des goules en maillot de bain.

Je me reprends (par la main, par les cheveux, je sais plus) et nous arrivons à la piscine où j’invoque bien vite une grave intolérance au chlore et une allergie purulente au soleil afin de rester le plus loin possible du lieu de baignade.

Allongée sous les arbres, j’entends au loin les prémices d’un concours de bombes et les hurlements (de joie ?) des enfants.

Et alors que je m’auto félicite de cette retraite sournoise, qui m’évite au passage une possible procédure pénale pour tentative de noyade sur mineure, je suis sortie de ma rêverie par la cadette qui vient m’apporter un bouquet de fleurs des champs.

Elle me regarde avec des cœurs roses dans les yeux et me dit que je suis gentille et qu’elle préférerait que ce soit moi sa maman.

Pendant une fraction de seconde, je m'imagine en spin off de Caroline Ingalls, habillée en liberty des pieds à la tête, tenant la main d'une enfant radieuse et champêtre comme dans une pub herta. Ou timotei.

Je suis hyper touchée, limite adoptive, puis je me rappelle que le malin est malin justement.

Et me rallonge aussi sec.

Non mais.


GrandeGalope

6 commentaires:

  1. Tout ce laïus Niarophobe montre bien au contraire une amour profond pour ces êtres qui ne servent à rien dans leur état actuel mais qui sont destiné à être utilisé un jour ou l'autre dans notre économie de marché...

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  2. Tu oses le dire chérie, encore une fois, tu es parfaite!

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  3. Pourquoi prendre un enfant alors qu'un hamster est plus doux, à une longévité moindre et ne braille aucunement. Puis ça passe plus facilement à la chasse d'eau.

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