jeudi 13 octobre 2011

Taxi Blues





Je vous ai déjà parlé de ma relation tordue avec les taxis?

Je vais commencer par le début.

Quand j’étais petite, enfin, adolescente (je crois que c’est le terme consacré pour désigner cette période hormonale qui s’étale des premières sautes d’humeur inexpliquées au jour de l’obtention du bac) mes parents m’avaient gonflée avec tout un charabia à base de responsabilisation, de liberté et prise en charge de moi-même, de " tu vas voir comme c’est bien de pouvoir aller librement d’un point à un autre et tu sais dans la société actuelle, le permis de conduire est un atout pour ta future vie professionnelle. "

Houla. Rien que dans cette phrase, trois mots vecteurs d’angoisse : " future ", " vie " et "professionnelle".

Très vite, mon cerveau de lycéenne assistée s’était mis à pédaler dans tous les sens pour trouver une parade. Car l’équation était simple : voiture  = responsabilités + soucis + dépenses inutiles au carré. J’objectais donc une paralysie intermittente de l’index de la main droite rendant impossible tout passage de vitesse, ainsi qu’un épaississement précoce de la cornée qui m’empêcherait à coup sûr de voir correctement les panneaux de signalisation.

Pour bien marquer le coup, je mimais avec force grimaces et contorsions l’extraterrestre dans E.T en clignant d’un œil et en raidissant bien mon index droit.

Là, mes parents avaient eu un sourire ému et avaient salué mon imagination débordante et ma prestation de comédienne (tu vois chérie, on a bien fait pour les cours de théâtre) qui selon eux n’avait pas faiblis depuis ma tendre enfance (carressage de cheveux, rires amusés, sourires complices).

J’eus beau geindre avec véhémence (mon amie de toujours) " maison, maison " en louchant de manière imbécile pendant près de dix minutes, je me retrouvais dès le lendemain inscrite DE FORCE à l’auto école du quartier.

OK.

C’était sans compter sur mon goût du challenge. J’allais prouver à la terre entière ma maîtrise absolue de la stratégie de l’échec afin de rester une authentique piétonne irresponsable et épanouie.

Avec la plus grande application, je passe donc les trois mois suivants à échouer à TOUS les tests de codes.

Au bout du premier mois, le responsable de l’auto école commence à penser que je suis mentalement retardée et ne me parle plus qu’avec des signes de la main. Je grogne à chaque changement de diapos en appuyant simultanément sur les touches A,B, C et D du boîtier.

Le deuxième mois, le responsable me confisque le boitier et m’autorise à jouer au fond de la salle avec les fac similés de panneaux de signalisation en carton.

Le troisième mois, je réalise une maison sans toit, sans portes et sans fenêtres avec le stop, l’interdiction de doubler et dix tubes de colles uhu. Je brandis l’objet cartonné comme un trophée.

Le responsable ne me parle plus du tout.

Je vous passe les heures de conduite où je m’échine à conduire une clio de la manière la plus négligente possible : siège réglé en position allongée, lunettes de soleil en plein hiver, recoiffage permanent dans le rétroviseur et logorrhée assourdissante sur la météo.

Après deux rendez-vous, ma monitrice porte des bouchons d’oreilles, devient verte à chaque fois que j’allume le contact et freine à peu près tous les 20 mètres.

Très logiquement j’obtiens avec mention la radiation à vie de toutes les auto écoles du département, le désaveu affligé de mes parents et deviens l’irréductible piétonne de mes rêves.

Quinze ans plus tard, les taxis font donc partie de mon quotidien, ou presque. La vie en hypercentre aussi. Parce que si tu vis en banlieue sans bagnole, ta vie sociale se résume très vite à taper à la porte des voisins, "Vous auriez du sucre pour me dépanner ?" deviens ta phrase d’accroche préférée pour une conversation IRL avec un être humain et tu finis seule dévoré par ton poisson clown un jour d’hiver, entourée de boites familiales beghin say .

Revenons à nos moutons. Nos taxis.

Et aux relations douteuses que j’entretiens avec ce mode de transport.

Prenons samedi dernier par exemple, il est quatre heures du matin et je n’ai pas voulu me faire raccompagner par mes amis " parce que ça va, j’habite en centre ville et je suis même pas bourrée en plus, hips."

Je suis donc au beau milieu d’un boulevard inconnu, on est au mois d’octobre, la température extérieure est inversement proportionnelle à mon taux d’alcoolémie et mes chaussures font un drôle de bruit quand je marche. paclop, paclop.

?

Ah oui, ça c’est parce qu’il m’en manque une, j’ai jeté la droite sur un balcon très très haut il y a une heure dans un élan comique. Tout le monde a bien rit sur le coup. Sauf que maintenant mes larmes font de petits stalactites sur mes cils.

Et putain pas un taxi à l’horizon.

J’agite les bras, je fais pffft pfffft comme dans les films américains (je siffle donc, mais là il fait froid et avec des lèvres gercées ça rend pas bien). Mais il n’y a que le vent dans ces rues désertées pour me répondre un très sec " tu vis dans une ville de province, poulette, et qui plus est en France, alors pour trouver un tacot à cette heure-ci, tu peux te brosser. "

Je vois pas le rapport avec la brosse mais bon.

Dans un accès de lucidité, je décide d’appeler un taxi et tombe sur divers messages pré-enregistrés m’enjoignant systématiquement et avec bonne humeur à recomposer ce numéro ultérieurement.
Au bout d’une demie heure, mon oreille menace de tomber et j’ai laissé au moins six message avec trois adresses différentes pour obtenir une voiture.

J’atomise ce qui reste de mon forfait en envoyant une dizaine d’sms d’insultes à toutes les compagnies de taxis de la ville.

Alors que je boite sérieusement et que je commence à voir des mirages de taxis et de brosses un peu partout, une voiture s’arrête à ma hauteur.

Une vraie, pas un mirage.

Je m’en rends compte rapidement car elle est sale, mal entretenue et conduite de surcroît par le sosie d’Emile Louis. Ce dernier me demande en regardant la partie située en dessous de mon cou si j’aime bien me promener la nuit.

Je dégaine mon plus beau sourire crispé, essaie de ne pas être trop séduisante (mais il n’y pas trop de risque avec une seule chaussure et une haleine à 45% vol) et sprinte gracieusement en sens inverse.

Paclopaclopaclopaclopaclopaclopaclopaclop. Ouille.

Par chance, je casse le talon de ma chaussure restante juste devant une station de taxi.

Là, je pleure un peu c’est l’émotion (ou la vodka, je ne sais plus) puis me prosterne devant le flanc d’une mercedes grise où je distingue les mots salvateurs " Taxis Jean-Michel " sérigraphiés en rouge carmin et comic sans MS.

Un bon mal de genou plus tard, j’arrive à me relever et engage la conversation avec le chauffeur sur un mode détendu :

J’ai peur. Hips. Je voudrais rentrer chez moi. Hips.

Regard soupçonneux sur ma chaussure orpheline.

Vous habitez loin ?

Je zais blus mais z’est en ventre cille. centre ville, bardon.

Vous n’allez pas vomir au moins?

Bardon?

Regard soupçonneux sur ma personne en entier.

Alors, je beux monter?

Là, je trébuche un petit peu et raye la carrosserie de la porte arrière avec mon sac.

Le chauffeur ne me quitte pas des yeux et remonte lentement la vitre conducteur.

Prenant ça pour un oui, j’arrive à ouvrir la porte arrière avant qu’il ne la verrouille et m’écroule avec la légèreté d’un mammifère marin sur la banquette en simili cuir recouverte d’une housse de polyester tigrée.
Malgré le miroir déformant de vapeurs d’alcool qui brouille mes œufs mes yeux, je sens que le monsieur n’est pas content content de ma présence.

Je détends l’ambiance en glissant entre deux hoquets une blague sur le bon goût du pelage synthétique dans les berlines allemandes, blague qui s’évanouit dans un silence polaire.

A bout de force et d’ingéniosité, je parviens à articuler un " maison, maison " fort à propos et sombre dans les bras de morphée et/ou sur la moquette de la voiture.

Le lendemain, je suis arrivée jesaispascomment dans mon lit et c’est mon portable qui me réveille.

J’écoute mon répondeur et j’ai un nouveau message : je viens d’être radiée à vie de toutes les compagnies de taxis de la ville.

La stratégie de l’échec je vous dis.

GrandeGalope

3 commentaires:

  1. merci encore pour cette aventure, c etait apres samedisoir n est ce pas?? Bravo, au moins tu as reussi de rentrer, gros bisousss

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  2. slt
    voici une companhye taxis qui peut te servir
    babycabs.fr ils on de siège bébé et rehausuer ce t a bessoin
    :-) liel http://www.babycabs.fr a bientot

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