mardi 21 juin 2011

Soldes mon amour





Tiens, demain c’est le 22 juin.
Le lendemain de la fête de la musique, quoi.
Rien de très…
ah mais non mais argh… Cette année c’est aussi la date de DEBUT DES SOLDES.

Fichtreflutefoutre.

Pourquoi tant de désarroi me direz vous ? Parce que j’exerce le doux métier de vendeuse. Dans le prêt à porter qui plus est. Et dans un grand magasin. C’est un peu la sainte trinité de l’emmerdement maximum, mais choisi, hein, on m’a pas forcé à signer le contrat d’embauche.

D’autant que la plupart du temps mon job consiste à renseigner avec le plus de flou possible des clients à la recherche d’articles indisponibles depuis 1987 (ou pas vendus sur mon étage) ou à examiner de manière collégiale et circonstanciée les faux pas capillaires de Monique, la caissière.

Hélas deux fois par an, ce joli monde fait de branloute et de potinages s’écroule. Sur moi précisément. Parce que les autres, mes collègues, ça ne leur fait pas le même truc. Elles gèrent quoi…
Face à elles, je me sens comme une jeune recrue parachutée en pleine guerre du vietnam entourée de marines qui chiquent, crachent et gueulent en écoutant les Rolling Stones à fond dans l’hélicoptère qui les mène au cœur de la jungle.

Au cœur des ténèbres.

Mais si ... vous l'avez vu vous aussi ce film, c'est avec Martin Sheen, ou Schwarzenegger, ou Ben Stiller. Merde je sais plus.

Revenons à nos moutons, euh à mes collègues. Elles les attendent de pied ferme les chalands et attention pas de chichis tout doit disparaître !
Parfois, lorsque la frénésie acheteuse est à son comble et que telle un caméléon fiévreux je tente sournoisement de me confondre avec le mur de la cabine d’essayage prise d’assaut, je les contemple.
Elles s’activent, souriantes et fières, le cintre haut, l’étiquette de soldes lustrée, face à la foule qui nous traîne, nous entraîne, pardon je m’égare…


Puis je me remémore cette vidéo youtube où des centaines de clientes déchaînées investissaient avec moults fracas et sous l’œil incrédule des vendeurs une grande enseigne suédoise. J’avais rit à l’époque. J’ai peur à présent.

Je décide le repli stratégique. Je compte les pas qui me permettraient d’atteindre la réserve en écrasant le moins de personnes possibles. Tiens par là c’est pas mal, excepté pour le nourrisson qui grignote ce qui de loin ressemble à des speculoos au pied du stand de maillot de bain.
Pas grave, la mère a le visage enfouit dans un bon kilogramme de shorts de bain premier prix en lycra. Je pourrais jouer à " shoote dans le bébé " avec son rejeton elle n’y verrait que du feu. Du lycra plutôt.
Hihihi.
Allez, j’ai un créneau, je me lance. Dans mon oreillette fictive je m’auto hurle : "go go go marines", j’ai la porte de la réserve en ligne de mire. Je prends une profonde inspiration et

" Excusez-moi ? "

Là j’ai juste envie de simuler une extinction de voix ou un coma mais ma conscience professionnelle m’oblige à répondre un indécis et chevrotant : ouiiii ?
" Vous êtes du magasin ? "
Là encore, la plus élémentaire courtoisie m’empêche d’écraser sur le visage de la personne l’énorme et rutilant badge aux armes du magasin qui orne mon t-shirt. 

" Certainement, je peux vous aider ? "

" Alors voilà je cherche le même pantalon mais en bleu et en taille 40. Vous avez des toilettes quelques part ? "

" Ah et vous faites les retouches ? "

J’ai la paupière qui saute subitement, c’est un tic de nervosité. En quelques phrases cette cliente a réussi à réunir les questions les plus horripilantes à poser à une vendeuse au bord de la crise de nerf un premier jour des soldes. Chapeau l’artiste. Je me vois déjà lui décernant un prix : une compression faite à partir d’antivols représentant un doigt d’honneur stylisé. Les flashes crépitent, je porte une robe fourreau somptueuse de chez Armani et le public du théâtre du Châtelet exulte, je distingue même un quidam qui s’évanouit au deuxième rang, l’émotion sans doute.

A ce moment là, je suis arrachée à ma rêverie par un toussotement, celui de la dame qui me regarde d’un œil vitreux en tentant de maintenir de la main droite sa progéniture, affairée à dévorer un pan de chemise de la collection été.

" Alors? vous en avez? "

" Je ne sais pas madame. Je vais demander à Alain Terzian, hum, à ma responsable. Je reviens tout de suite."

Je sais ce que vous vous dites. Mais je ne suis pas folle vous savez. Allez, je pars avaler ma triple dose de valium et au dodo. C’est soldes demain. 

GrandeGalope

3 commentaires:

  1. "les faux pas capillaires de Monique, la caissière" tellement vrai.

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  2. j'ai failli écrire Solange, mais je me suis retenue

    GG

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  3. Merci pour ces bons souvenirs..Heu,non ces souvenirs!!;)

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